Bac Ha

Bac Ha

Le plus grand marché ethnique du Nord du Vietnam

Visiter Sapa a été pour nous une initiation à la campagne vietnamienne. Nous avons souhaité prolonger l’expérience en nous rendant au marché dominical situé à Bac Ha.

Carrefour d’ethnies, c’est un lieu d’échanges culturels par excellence. L’environnement, le mode de vie, on a vécu un dépaysement total, déroutant même. Revivez cette immersion avec nous.

L1160224.JPG
 

Arrivée

En fin de journée, on découvre une ville sur le point de s’endormir. Le paysage est quelque peu semblable à Sapa, avec les “enfants marchands” et les constructions de grands hôtels en moins.

Un seul restaurant est ouvert et il est plein à craquer. On s’installe sur une table à moitié occupée par des locaux, qui s’empressent de nous accueillir chaleureusement. Nous serions les premiers touristes avec qui ils engagent une conversation et ils ne cachent pas leur excitation de rencontrer de nouveaux amis. L’un d’eux sort une bouteille de son sac ; c’est un alcool de maïs maison, spécialité de la région. On trinque.

 
0ED22F48-EAFC-4D3B-9E90-F0C2DCE97DD6.jpg
 

Mosaïque ethnique

Le lendemain, nous sommes réveillés très tôt par les cris stridents des cochons. Les commerçants sont installés au cœur de la ville et la section Bétail est située à quelques mètres de notre auberge.

Le marché est essentiellement imprégné des couleurs du peuple Hmong Fleurs, aussi appelés Hmong bariolés. On les distingue grâce à leurs costumes très colorés aux motifs linéaires. Originaires de Chine, ils ont fui les oppressions il y a 300 ans. Ils contribuent aujourd’hui au renforcement d’une nation culturellement riche auprès des autres groupes ethniques. Le rendez-vous permet ainsi aux habitants des villages alentours de se retrouver, maintenir le lien social, vendre leurs récoltes, leur bétail et tous types de marchandises.

 
L1160242.JPG
L1160250.jpeg
L1160268.jpeg
 

Atmosphère

La région montagneuse, la ferveur populaire et la combinaison des couleurs nous fait rapidement plonger dans une une ambiance pittoresque. Au-delà des rencontres, on se laisse charmer par des scènes de vie quotidienne. Tous nos sens sont sollicités et on effleure l’intimité des habitants.

 
L1160258.JPG
L1160265.JPG
L1160256.JPG
 

Terre agricole

Pas de surprise, le marché est peu touristique. Il est vraisemblablement destiné aux locaux, qui peuvent se fournir en costumes traditionnels, produits frais, bétail...

Le marchandage est particulièrement intense au niveau de la commercialisation des buffles, compagnons inséparables des paysans. Ces animaux domestiqués font aussi partie intégrante du paysage de Bac Ha. Ils occupent un rôle très important au Vietnam, pays où plus de 65% de la population vit en zone rurale. Ils représentent la principale source de puissance animale et sont employés pour porter des charges lourdes et labourer les terres des rizières.

 
L1160220.JPG
L1160228.JPG
L1160222.JPG
 

Une pratique controversée

A proximité du bétail, il y a un marché de chiens encerclé par la foule. Mécaniquement, je m’adresse à quelques personnes pour connaitre leur sort. Si certains me répondent que ce sont des chiens de race destinés à être domestiqués, d’autres esquivent mes questions.

Ils sont examinés méticuleusement ; les pattes, les dents, les yeux, tout y passe. Des photos sont même envoyées à de potentiels acheteurs, ce qui me laisse croire qu’ils sont prêts à rejoindre une famille. Mais très vite, on est interpellés par des questions sur le ratio prix / poids des bêtes puis par les gesticulations de chiots trainés dans des sacs en plastique noués. Je craque. On quitte le marché avec la boule au ventre.

 
L1160277.JPG
L1160273.JPG
L1160237.jpeg
 

• Pour aller plus loin •

Une fois remise des émotions, j’ai longuement échangé avec les habitants de diverses régions du Vietnam, j’ai même interrogé ma famille sur le sujet. Je vous livre ci-dessous l’envers du décor de Bac Ha et ce que j’ai compris des Vietnamiens et de leur rapport aux chiens.

Pour commencer, tous les Vietnamiens ne mangent pas de chien, ce n’est pas une tradition culinaire. Vous n’en trouverez donc pas sur le menu d’un restaurant lambda. La consommation animale provient plutôt du porc, de la volaille et du boeuf. Ces viandes représentent près de 60% du total des dépenses des produits d’origine animale, contre 1% de la catégorie “Autres viandes”, incluant le chien.

 
vn+MAJ+%281%29.jpg
 

Aujourd’hui, on peut encore trouver de la viande canine dans des restaurants et boucheries spécialisés. Même si la pratique se perd, elle est surtout perpétuée par les plus anciennes générations et dans les zones les plus défavorisées. Les raisons sont multiples : pour renforcer la chance et la virilité selon les croyances populaires, pour avoir un apport en protéine et pour le plaisir gustatif.

Bac Ha est situé au nord, dans la zone la plus rurale et la plus pauvre du Vietnam. En 2010, entre 40 et 60% de cette région percevait un revenu inférieur à $1,25 par jour. La forte densité démographique ne permet pas d’avoir suffisamment de terres pour récolter des céréales et alimenter des animaux de ferme ; les chiens représentent la source de protéines la moins chère. De plus, le mode de vie associé à la culture agraire peut aussi expliquer pourquoi la relation Homme - chien est différente de celle des occidentaux, ils seront naturellement plus familiers avec les buffles par exemple. Dans l’ensemble du Vietnam, il y a tout de même une distinction entre les chiens étrangers et les chiens vietnamiens. Seule cette deuxième catégorie pourra être considérée comme du bétail tandis que les premiers seront appréciés comme des animaux de compagnie.

A contrario, les chiens occupent une place grandissante dans le reste du Vietnam. Dans les grandes villes, ils sont choyés et de multiples offres et services leurs sont consacrés (salons de toilettage, magasins pour animaux, bars à chiens, concours canin…). Sur le plan politique, les autorités ont demandé l’arrêt de la consommation de la viande de chien en 2018, cette mesure fait partie d’un programme national visant à éradiquer le virus de la rage d’ici 2021. C’est un premier pas vers une transition alimentaire et j’espère qu’ils en feront d’autres pour empêcher la maltraitance animale.

 
L1160207.JPG
 
Sources externes

GUERIN, Mathieu, HARDY, Andrew, NGUYEN, Văn Chính et HWEE Stan Tan Boon.
Des montagnards au minorités ethniques. L'Harmattan, 2003. Pages 253 - 255.

Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Contexte agricole et relations internationales. 2019.

DEMOMBYNES, Gabriel.
Viet Nam : une nouvelle carte interactive pour mieux visualiser la pauvreté. Banque mondiale. 2015.

Associated Press. Vietnam’s capital urges residents to stop eating dog meat. 2018.

NGUYEN, Dinh Tien, OLIVIER Valérie, SANS, Pierre, SAUTIER, Denis et DUTEURTRE, Guillaume. La consommation de viandes au Vietnam en 2010 : des tendances contrastées sur l’ensemble du territoire. 2012.